Si vous êtes pressé, on peut dire qu'Auguste Rodin fait partie du mouvement impressionniste. Comme ça, on n'y passe pas des heures. Mais l'Impressionnisme nous évoque plutôt de la peinture et que Rodin c'est surtout de la sculpture, il serait peut-être bon de creuser un peu… Bon, on vous rassure, il n’y en aura pas pour des heures malgré tout, on n’a pas que ça à faire…
Si vous avez lu notre article sur l’Impressionnisme, vous savez que ce courant se concentre sur la couleur, la lumière et le mouvement. Alors Rodin ne s’est pas penché sur les couleurs, forcément avec le bronze ou le marbre, mais il s’est intéressé aux jeux de lumière sur les reliefs de ses œuvres et à la représentation du mouvement. Il donne l’illusion de la vie à ses sculptures.
Les peintres impressionnistes s’intéressent aussi à l’« impression » transmise par leur toile. Ils ne s’attachent pas au réalisme parfait exigé par l'Académie, et laissent volontiers un aspect non fini à leurs œuvres. Rodin en fait de même avec ses sculptures. Il considère les fragments comme des œuvres à part entière. Le Baiser ou le Penseur font partie de la Porte de l’Enfer, mais sont élevés au rang d'oeuvre. Il va plus loin. Jusque-là, une sculpture représentait toujours un corps dans son intégralité, mais Rodin, qui a étudié les sculptures de la Renaissance, estime que leur état fragmenté n’affecte pas leur beauté. L’homme qui marche, un corps sans bras et sans tête, représente parfaitement cette idée. Sympa pour tous les décapités qui vont enfin pouvoir se sentir beaux...
Enfin, ce qui fait de Rodin un impressionniste, c’est aussi le Naturalisme de ses œuvres, c’est-à-dire le fait de s’intéresser à des sujets du quotidien. À l’époque, en littérature, on commence à traiter des sujets moins nobles, comme la vie ouvrière chez Zola. C’est aussi le cas en peinture comme le lever de soleil chez Monet. Mais la sculpture est en retard et reste centrée sur la mythologie et les références littéraires pointues. C’est Rodin qui viendra révolutionner cet art en amenant des sujets plus légers et universels. Oui, un bisou c'est universel...
D'abord avec l’Âge d’Airain, un corps d’homme non idéalisé, sans référence mythologique, une rupture avec les règles académiques du XIXème siècle, puis avec le Baiser, censé être une référence aux amants de La divine comédie de Dante, Rodin les représente finalement nus, sans aucun signe distinctif. Chacun peut donc s’y projeter. Il ne s’agit plus de transmettre un message moralisateur, mais de s’intéresser aux grandes passions humaines.
Enfin, son Penseur révolutionne la sculpture avec une représentation brute de l’idée de penser. Jusque-là, la pensée était représentée sous forme d’allégorie, via la déesse Athéna. Rodin représente un homme réel, robuste, en capacité d’action, qui a tout arrêté pour réfléchir durement.
Alors que les peintres cassent les codes de la peinture, Rodin s’attaque aux règles académiques de la sculpture. C’est dans cette transgression que l’Impressionnisme lance l’Art moderne. Rodin, étant la figure de proue de cette révolution sculpturale, sera souvent qualifié de père de la Sculpture moderne.
Copyrights :
L’Âge d’airain, Rodin, 1877 - Musée Rodin
Homme qui marche, Rodin - RMN-Grand Palais (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski
Impression, soleil levant, Monet, 1872 - Musée Marmottan
Le baiser, Rodin - Paris, Musée Rodin (photo Hervé Lewandowski)
Le Penseur, Rodin, 1904, - Paris, Musée Rodin (photo Christian Baraja)