Saviez-vous que trois "Joueur de luth" se baladaient dans la nature ? Nous parlons des toiles de Caravage, pas de vrais musiciens...
Même si nous sommes de grands adeptes de la technique imparable du « doigt mouillé », notre intérêt pour le Joueur de Luth de Caravage n’a rien à voir avec le hasard. En fait, il parait que le peintre le considérait comme son plus beau tableau. Quitte à analyser une toile de Caravage, autant regarder sa préférée…
Si vous ne voyez pas bien qui est ce peintre de la Renaissance italienne, vous pouvez lire sa bio flash pour une rapide remise à niveau. Sinon, on attaque directement l’Oeuvre au microscope®.
Le Joueur de Luth est exposé au Musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. Il en existe deux autres versions dont l’attribution à Caravage ne fait pas l’unanimité, du coup on reste sur celle qui met tout le monde d’accord…
Cette toile représente un jeune homme jouant du luth, l’ancêtre de la guitare. Bon, là vous allez nous dire « Euh, les gars, si c’est pour dire ça, on n’avait pas franchement besoin de vous… » Mais là où cette toile devient intéressante, c’est qu’elle réunit tous les éléments typiques d’une œuvre de Caravage.
Un éclairage particulier
Le fond de la toile est neutre, un simple mur traversé par un rayon de lumière. Caravage ne représente pas d'arrière-plan, les éléments importants sont présentés sur le devant de la scène. Ils sont mis en évidence par un éclairage latéral, créant des contrastes en clair-obscur, signature de l’artiste. Bon, ça nous arrange car nous devons avouer que notre vue n’est plus ce qu’elle était…
Des objets peints avec soin
Caravage aurait déclaré qu’il accordait autant de valeur aux objets qu’aux visages dans sa peinture. Cette conception, osée pour l’époque, se vérifie dans cette toile. Le luth, le violon, les fruits et les fleurs sont peints avec une précision exceptionnelle. Si vous avez encore un doute, il suffit de regarder la partition, d’une lisibilité impressionnante. Tellement lisible que les experts ont identifié le morceau : « Vous savez que je vous aime ». On peut même jouer la musique directement d’après la toile. Enfin, si on sait lire une partition et jouer du luth...
Des personnages sensuels
Traits de poupée, lèvres charnues, bouche entrouverte, chemise ouverte sur la poitrine... Difficile de nier l’érotisme de cette toile. Il faut dire que Caravage peignait toujours d’après nature, avec le modèle sous les yeux, et qu’il peint ici Mario Minniti, que l’on soupçonne d’être son amant. Du coup, il n’allait pas représenter ce sex-symbol dans une version moche… Oui, car il s’agit bien d’un modèle masculin, si vous aviez un doute comme l’historien Giovanni Pietro Bellori qui prit le modèle pour une femme. Cette beauté androgyne et sensuelle sera largement présente chez Caravage.
Un thème caché
Normalement un peintre doit choisir entre nature morte et divinité. Peut-être adepte du "ni-ni", Caravage représente ici un mix entre modèle vivant et nature morte, brouillant la thématique. Alors là, vous allez nous dire "Ben c’est simple, c’est la musique"...
Certes. Et pour cause, le cardinal Del Monte, commanditaire de la toile, est un grand adepte de musique et parraine même le chœur de la Chapelle Sixtine. Mais la toile cache également un autre thème : une vanité.
Les fruits, les fleurs, la beauté du modèle, sa jeunesse et l’amour représenté par la partition... tout est fait pour rappeler le côté éphémère de la vie. Bonne ambiance…
Copyright :
Le Joueur de luth, Michelangelo Merisi, dit Caravage, 1595-1596 - Saint-Pétersbourg, The State Hermitage Museum/P. Demidov